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La bosse d'inflation est sur la pente descendante, comme le poids du bouclier tarifaire sur les finances publiques

- Les Echos, décembre 2023

04/12/2023

Denis FERRAND

Ni temporaire ni durable, l'inflation qu'a connue l'économie française en 2021-2023 pourrait s'apparenter à une bosse. La pente a d'abord été brutale, avec le choc extérieur sur les prix de l'énergie et des approvisionnements. Le rattrapage des marges et des salaires a ensuite pris le relais, mais le débit de cette seconde source d'inflation est bien moindre et devrait se tarir à mesure qu'augmentent les contraintes de demande. Le bouclier tarifaire a permis d'atténuer le choc d'inflation en France pour un coût budgétaire important, mais il a aussi limité l'emballement ultérieur de dépenses publiques.

Photo Makarios Tang on Unsplash

Passé le choc énergétique, l'inflation change de nature et devient moins brutale

L'inflation a déjà sensiblement baissé sous l'effet de la décrue des prix de l'énergie et de la pause des prix des produits alimentaires. Elle a surtout changé de nature. Ce ne sont plus les coûts des approvisionnements qui provoquent l'augmentation des prix, mais les tentatives par les agents économiques de préservation de leur revenu réel.

Et cet ingrédient est bien moins massif que celui associé à la hausse précédente des coûts. La hausse des prix de production de l'ensemble des branches marchandes, soit les prix en sortie de ferme, d'usine, de chantier, de bureaux, n'est plus que de 1,1% sur un an alors qu'elle a culminé à 10% mi-2022.

Les prix des achats de biens et services utilisés dans le processus de production ont contribué jusqu'à 9 points à la hausse du prix de production. cette contribution est désormais négative. En revanche, les revenus des facteurs de production, c'est-à-dire les salaires et les marges dégagées par unité produite, expliquent chacun 1 point d'inflation contre 0,5 il y a un an.

Auparavant localisée dans les coûts de consommation intermédiaire, l'inflation est donc désormais nichée dans les revenus tirés de l'activité de production. Mais, déjà bien moindre, le débit de cette seconde source d'inflation va à son tour se tarir. Les freins sur la production ont, eux aussi, changé de nature: ils tiennent dorénavant bien moins à des difficultés d'approvisionnement qu'à un niveau de demande jugé insuffisant. Dans un tel contexte, la possibilité pour les entreprises d'augmenter les prix de vente dans l'objectif de reconstituer des marges écornées durant la première phase se referme. De même, le ralentissement de l'emploi qui se dessine viendra tempérer les velléités d'accélération salariale.

L'inflation est sur la pente descendante et son empreinte sur les finances publiques pourrait bientôt s'effacer

Le bouclier tarifaire mis en place pour coiffer l'augmentation des prix de l'électricité et du gaz a permis d'atténuer le choc immédiat d'inflation. En répercussion, un ensemble de dépenses publiques indexées de facto comme de jure sur la hausse des prix ont moins augmenté qu'elles ne l'auraient fait hors bouclier tarifaire.

Le Haut Conseil des finances publiques estime que le coût net du bouclier tarifaire serait de 22,3 milliards d'euros sur l'année 2023, et de 5,3 milliards en 2024. Le Conseil d'analyse économique estime pour sa part que sur la période 2021-2023, son coût aura été de 53 milliards d'euros. Son effet total en termes de modération de l'inflation est quant à lui estimé entre 1,4 et 2,9 points sur 2022 et 2023.

Le point important est que, dispositif ayant vocation à s'éteindre, le bouclier tarifaire est une dépense ponctuelle, alors que les hausses de prestations sociales en répercussion de leur indexation sur les prix sont pérenne. Cette différence de temporalité aboutit à ce qu'au bout du compte l'impact en termes de "dépenses publiques évitées" l'emporte sur le coût immédiat du dispositif.

Par exemple, en 2024, si le gouvernement avait été conduit à revaloriser les dépenses de retraites du régime de base sur l'inflation qui aurait prévalu en l'absence de bouclier, le surcroît de dépenses aurait été de 3 à 7 milliards d'euros.

En calculant l'écart entre les seules dépenses cumulées de prestations sociales qui auraient été atteintes du fait de l'indexation avec et sans bouclier tarifaire, il apparaît que le coût immédiat de 53 milliards d'euros du bouclier tarifaire serait effacé en 2026 ou 2027, selon l'hypothèse d'inflation contrefactuelle retenue. En somme, à politique d'indexation donnée, le bouclier tarifaire a limité l'emballement ultérieur de dépenses publiques.

Denis Ferrand

La bosse de l'inflation, chronique parue dans Les Echos, 1er décembre 2023

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