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Documents de Travail (couverture)

Documents de travail

Des rapports publics pour le débat de politique économique

En accès libre, les documents de travail présentent des analyses issues de travaux approfondis, principalement sur des questions de politique économique touchant l'appareil productif.

Voir aussi :

- Repères, des notes visant à nourrir le débat sur la politique économique et la transition écologique.

- A Noter, des analyses succinctes sur un chiffre ou une question économique.

Par thème :

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Faire de la décarbonation un levier de croissance: la France face aux stratégies mondiales pour le climat

- Avril 2024

23/04/2024

Face au changement climatique, la décennie actuelle est cruciale. D'ici 2030, la Chine, les Etats-Unis et l'Europe devront accélérer fortement l'effort de réduction de leurs émissions carbone. Cela exige des investissements massifs à un moment où la France accumule les contre-performances économiques. La bonne stratégie est de construire une politique de l’offre pour le climat afin d’enclencher un cercle vertueux alliant décarbonation, compétitivité et croissance.

Tendances annuelles des émissions passées (2005-2021) et futures (2021-2050) de Co2 France, Union européenne, Etats-Unis, Chine  (en %)

Sans un "changement radical" l’Europe n’aura pas les moyens de faire face aux grandes transitions en cours, transition écologique en tête: le rapport sur le marché unique d’Enrico Letta et ce que l’on sait du prochain rapport sur la compétitivité de Mario Draghi convergent sur ce constat. Pour atteindre leurs objectifs climatiques, la France comme l’Europe doivent investir massivement et doubler à l’avenir le rythme de réduction des émissions de CO2. Or, l'Europe perd du terrain en termes de compétitivité et de productivité, tandis que la France accumule du retard sur l’ensemble des critères de performance économique.

Conscient de ce défi, le pôle Climat de Rexecode a conduit une comparaison en profondeur des politiques climatiques des Etats-Unis, de la Chine, de l’Union européenne et de la France en tenant compte de leur interaction avec la performance économique. Les conclusions présentées dans notre document de travail montrent que, sans attendre les changements promis pour l’Union européenne, une priorité pour la France est de retrouver le chemin d’une croissance plus soutenue et plus équilibrée. Nous formulons plusieurs propositions dans ce sens.

Une décennie critique pour atteindre le zéro émission nette d'ici 2050 afin de limiter le réchauffement climatique

En 2021 et 2022, pour la première fois depuis l’Accord de Paris (2015), la Chine, les pays européens et les Etats-Unis, ont affiché explicitement leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (Nationally Determined Contributions ou NDC). Ces objectifs convergent sur une réduction à zéro des émissions nationales d'ici 2050 (2060 pour la Chine).

Pour atteindre leurs objectifs, tous reconnaissent qu’il faudra accélérer fortement le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les Etats-Unis devront multiplier le rythme par 5. La Chine devra stabiliser le niveau de ses émissions avant 2030, puis le réduire de près de 10% par an. L'Union Européenne et la France devront plus que doubler la tendance antérieure. Et il faut agir rapidement car tant que le flux d’émissions est positif, le CO2 s’accumule dans l’atmosphère et accentue le réchauffement climatique. Ces constats font clairement apparaître le caractère critique de la décennie actuelle.

Les faiblesses économiques pourraient limiter la marge d'action et d'investissement en Europe, plus encore en France

Les performances économiques européennes, qui n’étaient pas défavorables, sont aujourd’hui menacées. Au cours des deux dernières décennies, la progression du PIB moyen par européen a été la même que celle du PIB moyen par américain, et l’Union européenne dégageait un excédent commercial extérieur proche celui de la Chine. En revanche, l'Europe perd du terrain en productivité et sa compétitivité est de plus en plus remise en cause. Elle est en outre confrontée à des prix de l’énergie près de deux fois plus élevés qu’aux Etats-Unis et en Chine. Une partie des écarts de prix vient des différences d’exposition aux sources d’énergies fossiles mondiales, l'autre des politiques de tarification du carbone.

Sur le plan des émission de gaz à effet de serre (GES), la France avait plutôt pris de l’avance sur la moyenne européenne grâce à l’électricité nucléaire. Mais cet écart se réduit, et surtout, la France accumule du retard sur l’ensemble des critères de performance économique: moins de croissance par habitant (0,8% par an sur la décennie 2013-2023 contre 1,6% par an pour la moyenne européenne et les Etats-Unis), une productivité globale des facteurs en recul, un déficit extérieur structurel qui reflète un recul de compétitivité, peut-être enrayé mais pas encore inversé, et un déficit des finances publiques parmi les plus élevés d’Europe. Cette situation limite fortement les marges de l’action climatique de la France.

Des stratégies de décarbonation plus favorables à la croissance en Chine et aux Etats-Unis qu'en Europe

Etats-Unis, Chine et Union européenne, convergent sur les objectifs de décarbonation. Ils divergent sur les stratégies mises en oeuvre, qui paraissent moins favorables à la croissance en Europe et en France.

Les Etats-Unis ont engagé une stratégie globale qui intègre les mesures climatiques dans la politique économique et sociale. Cette stratégie s’est concrétisée dans plusieurs lois récentes: la loi Infrastructures (2021), la loi Chips and Science Act (2022), et surtout l’Inflation Reduction Act (2022) dont le volet climat prévoit de nombreux crédits d’impôt pour les projets vraiment américains en termes d’implantation territoriale et de contenus technologiques. L’impact des politiques incitatives s’est vu très vite: les dépenses de constructions industrielles aux Etats-Unis ont plus que doublé entre 2021 et 2023.

En Chine, la politique climatique fait partie de la politique globale dont les axes principaux sont d’ordre industriel et géopolitique. La stratégie de la Chine s’inscrit dans une longue tradition de planification et un fort engagement public dans l’orientation des investissements. Le résultat est que la Chine a conquis des positions dominantes sur le marché mondial des énergies renouvelables et dans certaines technologies climatiques comme les batteries pour véhicules électriques.

L’Union européenne a choisi comme pierre angulaire de décarbonation le système d’échange de quotas d’émissions (Seqe UE ou EU ETS). En imposant aux industriels d’acheter autant de quota qu’ils émettent de tonnes de carbone, le système incite les industriels à investir dans des process moins émetteurs de carbone. Le revers de la médaille est que le prix du carbone, dix fois plus élevé en Europe qu’en moyenne dans le monde, grève les coûts de production. Quant à l’incitation attendue elle est limitée par la forte instabilité du prix de marché du carbone.

D’autres interventions sont décidées périodiquement par l’Union européenne dans des "paquets législatifs". Le plus récent d’entre eux, le paquet Fit for 55 ("Ajustement à l’objectif 55") est un ensemble d’une quinzaine de textes qui posent des règles et des interdictions, dont un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) . En réaction à l’Inflation Reduction Act américain, la Commission européenne a présenté un projet de règlement (le Net Zero Industry Act). Ce texte, largement orienté vers les procédures, est en fait très différent de l’IRA.

Ainsi, la liste des leviers de l’action climatique est à peu près partout la même. Mais leur mise en oeuvre et la façon de les combiner sont différentes de sorte que leurs impacts macroéconomiques sont aussi différents. Un critère de comparaison économique peut consister à classer les leviers de décarbonation selon qu’ils jouent plutôt dans le sens d’une stimulation de l’offre (plutôt favorable à la compétitivité et la croissance potentielle), ou dans le sens d’une régulation, voire d’une restriction, de la demande (plutôt neutre ou défavorable à la croissance). La Chine et les Etats-Unis privilégient des leviers climatiques tournés vers la stimulation de l’offre. Hésitant entre l’offre et la demande, l’Europe et la France régulent, avec un penchant pour une restriction de la demande.

Changer de stratégie en France pour saisir l'opportunité industrielle de la décarbonation

La France possède certains atouts: une électricité peu carbonée grâce au nucléaire, des entreprises mondiales de tout premier plan dans certains domaines verts, et ce qui est moins connu, un flux de brevets soutenu dans les technologies vertes. Mais ses faiblesses économiques limitent sa capacité d’action: un faible potentiel de croissance, 30 ans de désindustrialisation, des budgets publics exsangues, un commerce extérieur très déficitaire. Comment dans ces conditions réaliser la masse des investissements nécessaires pour la transition climatique, autour de 70 milliards d’euros par an en plus de la tendance, selon notre évaluation de 2022.

En réponse, Rexecode propose de changer de vision. Au lieu de subir la politique de décarbonation comme un fardeau, l’idée est de faire de la décarbonation un levier de compétitivité et de croissance. La stratégie pour la France, et elle pourrait l’être aussi pour l’Europe, est de construire une politique de l’offre pour le climat afin d’enclencher un cercle vertueux décarbonation à compétitivité à croissance à décarbonation. Une opportunité exceptionnelle se présente avec l’essor du marché mondial des technologies et des investissements de la décarbonation qui n’en est qu’à ses débuts. Il faut la saisir opportunité.

Nous proposons cinq lignes d’action pour réussir ce basculement, atteindre nos objectifs climatiques et remettre la France sur une meilleure trajectoire économique.

1. Consolider la croissance potentielle

2. Rendre l’ action publique moins coûteuse et plus efficace

3. Faire de la décarbonation un levier de compétitivité

4. Attirer l’épargne vers l’investissement par des fonds à capital garanti

5. Imaginer une planification globale et collective.

Voir ci-dessous le document de travail et ses annexes.

La compétitivité française en 2023: le déficit extérieur se réduit mais l'attractivité plafonne

- N.89, Février 2024

31/01/2024

Olivier REDOULES

Après son record en 2022, le déficit commercial de la France s'est réduit en 2023, en partie grâce à la baisse du coût de l'énergie. Pour autant, il reste plus élevé qu'en 2019, d'abord parce que l'énergie importée reste plus chère, et surtout, parce que la France n'a pas regagné les parts de marché perdues. La compétitivité-prix des produits français reste affaiblie et la compétitivité hors-prix insuffisante malgré une qualité reconnue. L’attractivité de la France comme site de production semble plafonner en 2023 après une bonne année 2022.

Part de la France dans les exportations de la zone euro 2000-2023 (source Eurostat, graphique Rexecode)

Le 17e bilan annuel de la compétitivité française de Rexecode, constate qu’en 2023 le déficit commercial de la France se réduit par rapport à 2022. Il reste supérieur à celui de l'année 2019 d'abord parce que que les coûts énergétiques sont plus élevés, ensuite parce que la dégradation de la compétitivité s'est étendue à l’ensemble des produits manufacturés et des débouchés à l’exportation.

La France n’a pas retrouvé les parts de marché à l’exportation de 2019, aussi bien dans l’industrie que dans les services. La compétitivité-prix française reste affaiblie et la compétitivité hors-prix insuffisante, malgré la qualité reconnue des produits français.

L’attractivité de la France comme site de production s’est améliorée jusqu’en 2022, signalant un renouveau dans l’investissement industriel et une réception positive des réformes économiques. La France reste devant l’Allemagne et le Royaume-Uni en termes de projets d’implantations d’investissements étrangers en 2022, mais les premiers signaux sont moins positifs pour 2023.

Table des matières :

Un reflux partiel du déficit commercial en 2023, après le record de 2022

• Après un déficit commercial record en 2022, la France enregistre une amélioration en 2023 attribuable, en partie, à une résorption partielle du déficit sur les produits énergétiques. Cependant, le déficit demeure supérieur à celui de 2019, sur une majorité de catégories de produits.

• Les secteurs des biens manufacturés (hors énergie) et des services montrent une amélioration globale, malgré des contre-performances dans les produits pharmaceutiques et certains sous-secteurs de matériels de transport.

• En 2023, la France serait, selon les données disponibles pour les trois premiers trimestres, le seul grand pays de la zone euro présentant un déficit des échanges de biens et services. A ce titre, bien que le déficit global se soit réduit par rapport à 2022, il reste supérieur à celui de 2019, reflétant une perte de compétitivité sur le plan international.

Les parts de marché de la France à l’exportation restent inférieures en 2023 à leur niveau de 2019

• La part de la France dans les exportations mondiales s’est redressée en 2023 par rapport à 2022, cependant celle-ci reste inférieure à son niveau de 2019. Cette diminution reflète une croissance moins forte des exportations françaises par rapport au commerce mondial, tant en valeur qu’en volume.

• En 2023, le commerce mondial a connu une baisse par rapport aux niveaux records de 2022, dans le sillage de la baisse des prix de certains produits échangés, notamment les énergies et les matières premières, ainsi qu’une baisse de la production industrielle dans plusieurs économies avancées.

• La part de la France dans les exportations de biens et de services de la zone euro s’est stabilisée en 2023, mais reste en dessous de son niveau de 2019. Ainsi, en comparaison à l’année 2019, la France et l’Allemagne ont perdu des parts de marché au sein de la zone euro, au profit d’autres pays de la zone euro comme l’Irlande ou les Pays-Bas.

• La trajectoire des parts de marché à l’exportation de biens et services de la France est la plus défavorable parmi les grandes économies de la zone euro sur les deux dernières décennies.

Les déterminants de la compétitivité de la France en 2023 pour l’industrie manufacturière

• En 2023, les prix de production de l’industrie manufacturière française destinée aux marchés extérieurs ont augmenté un peu plus que la moyenne de la zone euro, suggérant une compétitivité-prix dégradée. Par rapport à 2022, les prix français ont augmenté à un rythme similaire à ceux de l’Allemagne et de l’Italie, mais plus rapidement que la moyenne de la zone euro. En 2019 et 2023, la hausse des prix français dépasse celle de ses principaux concurrents européens.

• En termes de perception de la qualité et du prix, les produits français sont généralement considérés comme de bonne qualité mais chers par rapport à cette qualité, ce qui affecte leur compétitivité hors-prix. A l’opposé, les produits allemands sont souvent mieux évalués sur la plupart des caractéristiques hors-prix, malgré des prix plus élevés, et sont perçus comme ayant un meilleur rapport qualité-prix.

L’attractivité de la France comme lieu de production

• Selon le baromètre EY, la France est devenue plus attractive que l’Allemagne et le Royaume-Uni en termes d’annonces de projets d’investissements étrangers depuis 2019, et l’était encore en 2022.

• La France est devenue la première destination des flux entrants d’Investissements Directs Etrangers (IDE) en 2022 parmi les grands pays de la zone euro, mais ce positionnement pourrait se dégrader à nouveau en 2023, les flux entrants vers la France ayant chuté sur la première partie de l’année.

• L'investissement dans le secteur manufacturier en France a connu une forte progression entre 2019 et 2022, en contraste avec les tendances observées dans d'autres grands pays européens comme l'Allemagne et l'Espagne.

Cette progression a permis à la France de rattraper une partie du retard accumulé en matière d'investissement industriel par rapport à ses voisins européens sur les deux décennies précédentes.

• Avec le redressement de la part de la France dans l’emploi manufacturier de la zone euro, cette augmentation suggère une inflexion positive de la position de la France dans le secteur manufacturier européen. Néanmoins, la part de la France dans la valeur ajoutée manufacturière européenne reste inférieure à son niveau de 2019.

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