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N’y-a-t-il que des gagnants à la baisse des prix du pétrole en France en 2015 ?

La Tribune, 10 février 2015

10/02/2015

Denis FERRAND

En 2015, si le cours du baril de pétrole reste au niveau moyen observé depuis le début de l’année, la facture d'importation de la France sera allégée de près de 24 milliards d’euros. Globalement positif pour l'économie, l'impact de cette baisse de prix variera fortement selon les secteurs d'activité et selon les acteurs (entreprises, ménages, Etat).

La baisse du cours du baril de pétrole permet une réduction importante de la facture énergétique


- En 2014, le déficit commercial pour les seuls hydrocarbures bruts s’est réduit de 9,5 milliards d’euros, soit près de deux points du PIB. Pour autant, la baisse de prix n’explique que la moitié de l’amélioration du solde extérieur (4,7 milliards d’euros). La faible croissance de 2014, ainsi que des températures élevées, ont probablement contribué au tassement du volume des importations de produits pétroliers.

- En 2015, si le cours du baril de pétrole reste à son niveau moyen observé depuis le début de l’année, soit 44 euros le baril de Brent, le montant des importations de produits pétroliers bruts chutera de près de 24 milliards d’euros, à volume d’importations inchangé.

L'impact de la baisse des prix du pétrole varie selon les secteurs et les acteurs économiques


• Le gain pour les ménages passe principalement par la baisse des prix des produits pétroliers qu'ils consomment.
Un cours du baril à 44 euros en 2015 entraînerait 1,1 point de baisse des prix à la consommation et donc autant de pouvoir d’achat supplémentaire. Cet effet direct est à combiner avec la propagation de la baisse initiale dans l’ensemble du système de prix mais également de revenus : une progression plus lente des prix pouvant déboucher sur une modération salariale accrue. La combinaison de ces effets reste toutefois largement positive pour les ménages.

• Les entreprises sont globalement gagnantes mais à des niveaux variables

Les tableaux d’entrées sorties de l’Insee permettent d’estimer le coût total des achats de produits énergétiques entrant dans le processus de production de chaque branche. La ventilation par types d’énergie utilisées n'étant pas disponible, nous faisons l’hypothèse, très majorante, que toute l’énergie consommée vient du pétrole. Si le cours du baril reculait de 75 en 2014 à 44 euros en 2015, la baisse des prix à la production se traduirait par une économie directe de l’ordre de 21 milliards d’euros pour l’ensemble de l’économie. Le principal secteur "gagnant ex-ante" est le secteur des transports, qui bénéficierait d’une économie de l’ordre de 6,2 milliards d’euros. L’industrie verrait ses coûts baisser directement de 4,6 milliards d’euros, soit un montant supérieur à celui qu’elle peut escompter du CICE. L’ensemble des services marchands (hors transports et commerce) bénéficieraient d’une économie de 2 milliards d’euros. Cette répartition découle du poids des achats de produits énergétiques dans la production : 10,7% pour les transports, 14,6% pour la seule industrie chimique, mais seulement 0,7% pour les services marchands.

• Les "vrais gagnants" et les "perdants"

Les gagnants ultimes seront les secteurs qui pourront conserver dans leurs marges l’essentiel de la baisse des coûts. Il est bien trop tôt pour identifier quel secteur sera le principal gagnant de ces évolutions des prix relatifs. Les "perdants" sont les secteurs qui exportent vers les pays producteurs de pétrole. Lors du précédent contre-choc pétrolier de 1985-86, les importations de l’Arabie Saoudite avaient reculé de 39%, celles du Nigéria de 60%. Pour l’ensemble de la zone euro, les exportations à destination des seuls pays de l’OPEP et de la Russie représentent un montant de 198 milliards d’euros en 2014. Une chute des importations de l’ordre de 20% occasionnerait un choc équivalent à 0,4 point de PIB, très dommageable pour les exportateurs orientés vers ces zones.

L'effet de la baisse des prix du pétrole sur les recettes fiscales est ambigu


La fiscalité sur les produits pétroliers combine deux formes de taxation. (1) la TICPE, prélevée forfaitairement par rapport à un litre de carburant quel qu’en soit le prix, est assise sur les volumes. (2) la TVA est assise sur la valeur. Ainsi, une baisse du prix occasionne automatiquement un recul des recettes de la TVA qui ne peut être compensé que par une hausse du volume de dépenses en produits pétroliers, et donc des recettes de TICPE.

Lors de la précédente vive hausse des prix du pétrole, une commission d’enquête parlementaire a montré que, peu ou prou, la baisse des recettes de TICPE associée au recul des volumes achetés avait compensé la hausse des recettes de TVA liée à la hausse des prix. Il n’est cependant pas avéré que l’effet soit symétrique en phase de baisse. Une vive hausse des dépenses en produits pétroliers paraît en fait peu probable. En d’autres termes, l’Etat qui ne s’était pas forcément enrichi lors de la hausse des prix du pétrole, pourrait aussi figurer parmi les perdants de leur baisse.

Article de Denis Ferrand paru dans La Tribune datée du 10 février 2015

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